Papa, j’ai réussi. Tu peux être fier de moi. Je suis assis dans le noir, dans le compartiment secret qui sent le métal brûlé, mais je n’ai pas peur. Tu m’as dit de ne pas avoir peur, que tout irait bien, que bientôt je serai là-haut, en sécurité auprès de mes frères et sœurs.
J’ai été très prudent. J’ai suivi tes instructions à la lettre. Sans faire de bruit, je me suis glissé hors du conteneur, puis j’ai grimpé dans la soute et trouvé la grille marquée d’un point de craie par tes soins. Je suis descendu tout en bas, pour que personne ne me trouve, comme tu me l’as répété plusieurs fois.
Et depuis, j’attends en silence. Caché dans les entrailles du géant de métal.
J’espère que nous allons bientôt décoller. J’ai tellement hâte de découvrir Newearth, cette nouvelle terre pleine de promesses. Les images de la planète ne montrent que du vert à perte de vue. Papa, j’aurais voulu que tu sois avec moi quand je foulerai enfin ce tendre vert de mes pieds nus. Ce n’est pas possible, j’en suis conscient. Tu dois rester ici pour t’occuper des autres. Ils sont encore petits et ils n’ont plus que toi désormais.
Prends soin de Janna, s’il te plait. Elle s’est accrochée à moi jusqu’à mon départ. C’est l’aînée sur Terre à présent, mais elle est trop jeune pour ce rôle. Ça me peine de tous les abandonner ici, même si c’est évident que nous nous reverrons un jour. Après tout, il suffira d’une prochaine catastrophe, d’une nouvelle hausse des prix, d’une famine annoncée, pour que tu te décides à faire partir un autre enfant.
J’ai bien vu à quel point cela te pesait. Tu n’as pas réussi à me dissimuler tes larmes, ni ta voix tremblotante quand tu me rappelais les consignes. Il ne faut pas être triste, Papa, nous partons vers un monde meilleur. Un monde vert, empli de richesses et d’opulence. Ce n’est pas pour rien que tous ceux qui en ont les moyens s’enfuient à bord des navettes. Ils le savent. Nous savons tous qu’ici il n’y a plus d’espoir. Juste de la poussière et du vent.
Un grondement sourd remonte des entrailles du géant. Le grand départ approche. C’est seulement maintenant, à l’aube d’une nouvelle vie que je réalise tout ce qui va me manquer. Je serre dans mon poing le petit caillou gris que j’ai ramassé avant de partir, sur un coup de tête, sans même réfléchir. Je ne veux pas pleurer pour cette Terre qui m’a tant pris et si peu donné. Alors pourquoi ? Pourquoi je serre ce caillou à m’en déchirer la peau ?
Le grondement s’intensifie. Le métal autour de moi commence à chauffer. Je m’éloigne des parois, mais l’espace est très étroit. Il me faut tenir bon, c’est sûrement un effet du décollage. Tout ira mieux une fois que nous aurons quitté le sol. Je dois rester fort. Pour oublier la douleur, je me concentre sur le caillou dans ma main, mais l’air me consume de l’intérieur. J’ai peur de ne pas tenir. Il fait trop chaud. Papa, je ne comprends plus rien, j’ai bien suivi toutes tes instructions pourtant.
Je brûle. Aide-moi.
Papa.
Pas mal du tout ♥.♥ Après côté émotion j’ai un coeur de pierre, mais c’est pas mal 😀
Merci Maritza, pour ce beau commentaire, on est contents que ça te plaise. <3