« Un jeune écrivain plonge dans un coma douteux qui profite à son éditeur et voit défiler à son chevet ses détracteurs/trices et admirateurs/trices. »
Bonjour, les vieux, moi, je suis en super forme. J’espère que la lecture du jour vous plaira.
Parapet devait rentrer chez elle à la fin de la journée, car Matthieu Suppôt n’était pas son seul client. Ce matin-là, elle se redressa de son lit, pour annoncer tout haut « JOUR 2 ». Ce qui s’était passé hier lui faisait toujours froid dans le dos, elle avait regardé le journal et les infos sur Internet pour voir si le suicide d’un homme faisait les choux gras de la rubrique des faits divers. Mais rien. Elle s’impregna du silence un long moment, coupant la télévision, la radio, le téléphone, Parapet se demandait si tout compte fait elle ne devrait pas rester en dehors de tout ça. Et si Matthieu ne se réveillait pas ? Peut-être devrait-elle se donner une date de fin de contrat. Mais laisser ce pauvre Mat entre les mains de l’autre serpent, c’était un crime. Alors, elle attrapa son sac pour se rendre sur son lieu d’observation.
Devant la maison de Mat, deux gigantesques voitures bouchaient l’entrée. Elle reconnut la grosse Cadillac Chevrolet rutilante et rouge pétant de Satan et un 4X4 bleu acier qui ne présageait rien de bon, elle pressa le pas, suppliant se tromper sur le propriétaire de la seconde auto.
Mais la porte ouverte, elle perdit son sang-froid.
— Qu’est-ce qu’elle fout ici ?
— Oh, mon Dieu, le bulldog est là.
Une femme en pantalon gris ample et chemise flanelle abricot fit semblant de sursauter avant de rire à gorge déployée avec Satan. (modifié)
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— Toujours remonté celle-là, c’est fou. Tu devrais tirer ton coup ma grande, s’il n’y a encore personne qui s’est porté volontaire pour explorer ses fondations abandonnées, tout en bas là, il faudrait commencer à s’inquiéter non ?
— Je suis ravi de te voir Sophie.
Sophie ôta ses chaussures pour se masser les pieds, cette femme mettait un point final à toutes ses phrases par un petit rire agaçant qui semblait se moquer complètement de son interlocuteur. Elle était agent littéraire aussi, mais l’éthique et elle ça faisait deux. Sophie avait décroché le jackpot en acceptant de représenter Blondeline alors que Parapet avait refusé argumentant son choix par le fait que l’autrice était cinglée.
— C’est dingue de porter ces chaussures à talons, une torture, ça doit être l’invention d’un mec, râlait Sophie.
— Pourquoi est-elle là ?
Satan fit rouler ses yeux dans leur orbite, il trouvait que Parapet gâchait toujours tout avec ses entrées abominables.
— Elle a emmené Blondeline.
— QUOI ?
— Tellement occupé à exhiber tes crocs que tu n’as dit bonjour à personne et que tu n’as pas vu Blondeline. Pourtant, elle est visible depuis la lune avec ses fringues. Ce n’est pas tous les jours ma grande que tu contempleras le croisement entre Chucky et Mariah Carey. Puis elle se tourna vers Satan. On croirait l’enfant de ces deux-là tabassé par Rocky non ?
Satan tenta de ne pas rire, mais ses lèvres trahissaient ses tentatives pour ne pas se moquer.
Au fond de la pièce, une femme se tenait penchée, les mains jointent au-dessus d’un gros cristal violet, elle portait une cape blanche qui lui couvrait la tête et une longue robe jaune, avec des petites fraises imprimées partout. Ses cheveux multicolores pendouillaient grassement sur son visage luisant, elle ressemblait à un moine du futur dans un film SF improbable.
— Là, elle se concentre pour que tous les dieux ou la nature ou qu’importe la merde de la nouvelle religion du moment, lui délivre la chance de réveiller ta momie par un baiser. La posologie par voies impénétrables en somme.
— C’est interdit…
— Alors, je vais te contredire, pour elle, tu vas laisser faire ?
— Tout va bien avec tes ganlan-can-can ma chérie ? demanda soudainement Sophie à sa cliente qui ne lui accordait aucun regard et continuait à bredouiller ses incantations au-dessus de sa roche brillante.
— Tu as promis de… commença Parapet à l’encontre de Satan.
— Oui, mais pour elle, tu feras une exception, ensuite, je ne te quémanderais plus rien. Tu te rends compte de ce qui pourrait arriver si elle le réveille ?
— Les ventes exploseront, et pour sûr, on prend notre retraite ma petite.
— On parle toujours d’un être humain là ? rétorqua Parapet.
— Oh écoute, elle est complètement inoffensive. Regarde cette autrice innocente qui, je l’accorde, dévergonde à merveille son personnage principal, mais c’est juste une pauvre chose qui croit encore aux contes de fées. J’attire ton attention sur le fait qu’elle prie au-dessus de l’étron de Denver le dinosaure.
Blondeline fit sursauter tout le monde en apparaissant au côté de Mat. Sophie enfila à nouveau ses engins de torture en faisant une grimace affreuse puis se redressa pour attendre la suite. L’autrice observa le bel endormi les mains planant au-dessus de lui.
— Qui es-tu poète de mes terres perdues, toi à l’agonie dans ta chrysalide de sommeil ? Que cesse cette paralysie ô, mon rêve fabuleux, éveille-toi mon doux aimé !
Les trois spectateurs tentaient de réprimer le dégoût fasse à tant de mièvrerie, la lumière qui feutrait la pièce achevait de présenter la scène comme quelque chose de christique. Parapet se remémorait « Escalibur » le film de John Boorman, ici, c’était la version LIDL d’un métrage qui l’avait enchanté. Par contre, face à tout ceci, elle éprouvait des aigreurs d’estomac.
— S’il se réveille en vomissant, je ne lui balancerais pas la première pierre, souffla Sophie à Satan.
— Effet kiss cool en apercevant sa princesse, surenchérit l’affreux.
Un long moment, elle demeura penchée vers le visage de Mat et lui apposa un baiser léger sans en faire trop, ce qui soulagea Parapet. Mais bien vite, Blondine se mit à pleurer.
— J’ai failli, Sophie.
— C’est si frustrant, j’y croyais beaucoup, mentit cette dernière en observant discrètement l’heure sur sa montre. Je te ramène chez ta mère qui pourra te réconforter ma chérie, aujourd’hui, j’ai investi mon chemisier Moschino, il ne faut pas éparpiller tes vieilles larmes dessus, d’accord ?
Blondeline avait les joues mouillées, elle présentait un visage déformé par la déception, ce qui effraya Satan et Sophie qui enfila une paire de lunettes noires.
— Allons-y Blondeline. J’ai énormément de clients à voir, lança Sophie avant de prendre la tangente sans même un salut pour Parapet et Satan.
L’écrivain fit ses adieux poliment à Parapet et sorti, Satan à sa suite. Ce dernier adressa un sourire énigmatique à l’agent avant de la laisser seule avec son malade.
— Écoute-moi Mat, si tu peux entendre ce qu’il se passe là, tout de suite, revient vite de ce coma avant que ça ne devienne incontrôlable.
Je déteste Sophie et Satan, mais ils apportent un côté moins dramatique à tout ça. Non, en vérité, je les adore. Ce fut un plaisir. Il reste pas mal de jours. Je ne sais pas si ce pauvre Mat adorerait toute cette attention sur lui, mais demain, nous découvrirons le prochain prétendant, ou prétendante.
À bientôt.
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