LE BEAU AU BOIS DE BOULOGNE, PARACELSIA LE SAIGNÉ – LECTURE 4

Le Dojo Fifi Roukine (taille reelle)
Couverture réalisée par Paracelsia Le Saigné

« Un jeune écrivain plonge dans un coma douteux qui profite à son éditeur et voit défiler à son chevet ses détracteurs/trices et admirateurs/trices. »

LECTURE JOUR 4

Bonjour l’équipe. Cette partie 4 est encore plus étrange, mais bon, je lis point barre. Non, ça a été, pas de traumatisme ne vous inquiétez pas. J’espère juste que des personnages pareils n’existent pas.

On y retourne.

Elle n’y croyait pas, mais Satan avait exaucé son souhait. Mat avait libéré le lit d’hôpital pour se retrouver chez lui sous la surveillance d’une infirmière, tout le matériel médical à disposition en cas de problème. Un vigile qui rôdait là si quelqu’un devenait dangereux, et des caméras dans sa chambre, le couloir, la cuisine. Mais Parapet ne portait son regard que sur le moniteur qui renvoyait les images de Mat dans son pieu en train de ronquer. Satan avait prévu d’installer un centre d’observation dans le garage de la victime, ce qui était plus proche pour elle, si elle voulait botter des culs à ceux qui ne respecteraient pas les consignes.

Aujourd’hui, elle était surprise de voir un inconnu se présenter au type de la sécurité qui avait coché son nom sur la liste des prétendants. Il n’avait pas la tête de la prétendante d’hier. Plutôt calme et tranquille, l’homme avait des cheveux longs et des lunettes qui tenaient à peine sur l’arête de son pif. Il fit le tour du lit de Mat, regarda tout autour de lui, ce qui parut très suspect. Il se pencha vers l’endormi pour lui mettre un doigt dans son nez et lui étala les quelques crottes charriées là sur ses lèvres. Il se dérida grâce à sa blague franchement odieuse. Parapet leva les yeux aux ciels et enfila son manteau. Elle maugréa des insanités en se dirigeant vers la maison de Mat. Lorsqu’il la vit passer devant lui, le vigile s’apprêta à la suivre, mais elle lui fit signe que ce n’était pas la peine.

Dans la chambre, l’homme commençait à soulever le drap pour regarder sous la ceinture du comateux. Il se ravisa lorsque Parapet l’interpella. 
— On peut vous aider, Monsieur…
— Anthony, mais mes amis me nomment Tony, enfin me nommait.
Elle l’observa très attentivement, il ne semblait pas dangereux, mais tout clochait tout de même. Puis elle s’attarda sur ses mains, maculées de rouge, et ses vêtements poisseux. Un tee-shirt blanc de Bad Religion taché. Elle n’avait pas vu tout ça sur son écran. Il y avait aussi des éclaboussures sur son visage ses lunettes… Ses amis le nommaient Anthony… Si c’était du sang, il fallait qu’elle reste calme et qu’elle puisse avertir le garde.
— Enchanté Tony.
— Pareil. Mais pour vous, c’est Anthony.
Il regardait avec insistance le corps de Mat tout en lui souriant comme si l’autre pouvait le voir.
— Ce n’est pas courant, un homme pour réveiller un prince charmant…
— Oh non, ce n’est pas un prince, et pour moi il est déjà mort. Charmant, on repassera sur la définition plus tard si vous le voulez bien. Dites-moi, il évacue comment ?
— Pardon ?
— Comment il évacue sa pisse et ses excréments ?
Décontenancé par la question, Parapet lui expliqua qu’il avait une poche et qu’une infirmière était là tous les matins pour la changer.
— Cet homme, sur ce lit, il m’a fait croire en quelque chose. Je bossais à la manière d’un demeuré dans une usine de merde, chaque jour, cette répétition du vide, c’est infâme ce qu’on impose aux gens pour qu’ils puissent juste vivre, vous savez. On vous broie comme la viande qu’on découpe et qu’on écrase jusqu’à ce qu’ils finissent dans des boîtes de conserve, jusqu’à ce qu’ils pourrissent dans vos ventres, jusqu’à ce que vous l’évacuiez dans vos waters, qu’on nettoie, et qui repassent par vos intestins depuis l’eau du robinet. Cet homme a écrit la colère, et pour moi qui voyais mon âme se barrer par petits bouts dans toutes ces merdes de contenant, ses mots faisaient sens, je me disais que quelqu’un comprenait, un mec faisait entendre ses gargouillis de révoltes dans cette société d’aliénés. Mais ça… Ce livre…
— Il faut le savoir, mais c’était une blague…

— Une blague de 600 papiers-cul, c’est bien trop long, même pour une vanne d’intellos. J’ai cherché l’ironie, le sarcasme, l’absurdité dans le fait que ce mec puisse tout à coup chié sous sa plume une bêtise pareille, mais voilà, page après page, je perdais la tête. Il a fait comme les autres, il a baissé son calebut pour se réjouir de la sodomie, tant qu’on lui jute ses billets.
Ce n’était pas du tout la vérité, mais l’homme devant elle avait déjà fait le procès de Mat.
— Si vous ne comptez pas le réveiller, pourquoi vous êtes-vous enregistré ?
— C’était le bon jour, je déteste les lundis, mais je voulais en apprécier un pour une fois.
Il ne lui avait lancé aucun regard, toute son attention était dirigée vers Mat. La liste était longue, il s’était forcément inscrit en tant que prétendant au tout début des demandes. C’était un coup prémédité. C’était sa deadline sans mauvais jeu de mots. Parapet craignait pour la sécurité de l’auteur, mais de la sienne aussi. Lorsqu’elle fit un pas vers la porte, il l’arrêta en se tournant vers elle.
— Ce matin, je me suis levé en pleine forme. J’ai écouté le Klub des loosers en avalant un café correct, je l’ai sincèrement apprécié celui-là. En route pour le travail, je me suis égosillé sur les Sales Majestés, un bon coup pour évacuer toute cette haine emmagasinée, mais elle était toujours là cette rage, elle devait exploser enfin pour me libérer. Lorsque j’ai franchi les portes de l’usine, le simple fait d’apercevoir mes collègues, les entendre, leurs rires gras, les plaintes répétitives et leur blague de merde, c’était trop, l’inertie dans laquelle ils semblaient tous se complaire. J’ai fondu un fusible, mieux, j’ai été pris d’une folie salvatrice. Ça bougeait enfin dans mes tripes quand j’ai attrapé les feuilles à viandes. Il fallait que je passe le voir avant d’en terminer avec tout ça. 
— Vous allez le tuer ?
— Non, en vérité, il n’est pas responsable de mes illusions à son égard. Sinon je buterais le monde entier. Personne ne mérite de vivre. On est des putains de parasite. Tout ce que je souhaite, c’est que chacun d’entre vous finisse par se dévorer. Vous n’avez pas besoin de quelqu’un comme moi pour trouver un bouc émissaire à vos erreurs.
— Et alors quoi, pourquoi vous êtes là ?
— J’avais dans l’idée de trouer sa poche à merde et de le tartiner avec et puis vous êtes arrivé. Je n’ai plus envie. Je suis épuisé, c’est bientôt la fin de matinée, j’aimerais dégoter un coin tranquille pour finir de respirer ce monde… Il me sort par les pores ce monde.
Toujours en alerte, Parapet éprouva un élan de solidarité avec cet homme qui n’en pouvait plus de ce qui semblait être une vacuité sans saveur.
— Je voulais crever ici, avec lui couvert de ses déjections et moi avec des bouts de ma cervelle sur son lit. Vous m’auriez trouvé là, peut-être que cette œuvre vous aurait touché. Mais pas les autres. Je ne souhaite pas que mon histoire soit mêlée à ce truc débile de beau au bois dormant. Il se tourna à nouveau vers Mat.
— S’il se réveille, dites-lui bien qu’il a été une grande déception pour moi ou un gros trou du cul. D’accord ?
Parapet acquiesça prudemment. Anthony lui adressa un joli sourire qui lui figea le sang dans les veines.
— Bien, alors je vous quitte. Passez une bonne après-midi.
— Merci. Vous aussi.
Elle n’émit aucun bruit lorsqu’il déserta la pièce. Si jamais elle en faisait part à Satan, il s’en emparerait pour grossir la publicité autour de Mat. Chamboulée tout de même par ce premier jour, elle n’osa plus trop bouger craignant que l’homme ne revienne. Après un long moment de silence, elle alla vérifier si Mat respirait encore, puis elle quitta aussi la chambre. Parapet s’installa dans la maison avec le vigile tout le restant de la journée.

Oui ? Il était particulier oui. Je ne m’attendais pas à ça, je serais carrément en train de me faire dessus dans une situation similaire. Je suis une véritable poule mouillée. Ah ? Demain, ce sera différent ? Oui, je reviens, bien entendu.

Merci.

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