« Un jeune écrivain plonge dans un coma douteux qui profite à son éditeur et voit défiler à son chevet ses détracteurs/trices et admirateurs/trices. »
LECTURE JOUR 13
Le parking était noir de monde, dès sa sortie de voiture, Parapet fut assailli par les crépitements des flashs d’appareils photo et de micros intrusifs, suivit d’une pluie de questions qu’elle ne comprenait qu’à moitié. Elle dériva en jouant des coudes jusqu’à la porte où un nouveau vigile qu’elle n’avait jamais vu la fit entrer. Satan se présenta à elle, le sourire aux lèvres comme s’il venait de conclure une affaire juteuse, il évita de justesse le crochet droit de Parapet qui lui hurla dessus sans passer par la case amabilités.
— Qu’est-ce que tu as foutu connard ? Pourquoi mon nom est associé à tes embrouilles ? Qu’est-ce que font tous ces journalistes dehors ?
— Hé Bulldog ! Ravi de te retrouver aussi. C’est une merde monumentale, il s’est produit un truc hallucinant hier soir. Alors, il va falloir te calmer là tout de suite avant d’entrer dans la galère. J’avoue être largué.
Parapet essaya de lire la moindre trace de suspicion sur son attitude et son visage, mais c’était bien la première fois qu’elle le voyait embêter. Sophie sortit de la chambre de Mat sur la pointe des pieds et c’est la seule chose qui confirma le sérieux de ces dires. Elle se calma.
— Alors voilà, Clyde à une petite amie…
— Bonnie. Vous vous foutez de ma gueule ?
Sophie fit la grimace en attendant que Satan s’explique, mais il fuyait son regard.
— OK, du coup, dans la nuit, le vigile a apparemment emmerdé son coup d’un soir pour quelques grivoiseries…
Ce mot fit sourire Satan.
— Ce gentleman a cru entendre un bruit, il est venu vérifier que tout allait bien pour ton auteur et parait qu’il chialait.
— Qui chialait ?
— MAT ? hurlèrent-ils à l’unisson, puis ils regardèrent la porte comme s’il avait eu peur de voir surgir quelqu’un de dangereux.
— Écoute-moi bien, ce sont eux qui ont prévenu les journalistes, la connasse s’avère être membre d’une association, je dirais plutôt secte, et elle nous serine que c’est un miracle, poursuivit Sophie.
— Un miracle par rapport à quoi ? Ça peut s’expliquer non ?
— Tu sais bien que tout le monde s’en moque, c’est mieux les miracles ma petite.
— On peut aller le voir ?
Parapet essaya d’atteindre la poignée lorsque Satan l’arrêta.
— Lia gourou de cette « association » est là, enfin le… iel… Dit iel. Ne lui parle pas si tu ne veux pas te retrouver embarqué dans un truc impossible, d’accord ?
— Bon, briefez-moi pour de bon. L’infirmière arrive dans 10 min.
— Quelle infirmière ? s’enquit Satan.
— T’es au ras des pâquerettes toi. Il lui faut bien quelqu’un pour masser ses muscles pour ne pas qu’ils s’atrophient ou qu’il nous chope des varices le Suppôt. Sophie prit Parapet à part et lui chuchota les informations dont elle avait besoin.
— Iel se nomme Lucas, iel s’est autoproclamé docteur, pour illui la paix ultime la fin de tous les maux réside en la capacité des êtres humains à soigné d’abord leurs âmes.
— Il y a des mots que tu emploies et que moi-même, je ne pige pas.
— Il va falloir faire gaffe, iel est non genré.
— Je n’ai pas le temps putain, je suis une vieille, bordel ! Je n’y comprends plus rien.
— Bon, sache juste que cet enculé est un gros bordel à illui seul, ne cède pas à la colère. Il est impératif qu’iel évacue la pièce, les flics s’en sont mêlés, iel à réclamé les bandes-vidéo d’hier.
— Mais pourquoi ?
— Le docteur Lucas pense que quelque chose de miraculeux a déclenché ses larmes et en veut la preuve.
— Comment il ou elle a réussi à faire bouger la police pour ça ?
— Le vigile a déclaré qu’Anthony Corneille avait débarqué là le premier soir, il avait commis un massacre sur son lieu de travail, c’était avant l’avis de recherche et les boucheries à venir. Ça a suffi à les booster, personne ne sait où il se trouve, et on leur reproche déjà de ne pas faire le maximum. Du coup, ils viennent perquisitionner pour faire genre.
— Toi et Satan, vous n’allez pas me faire croire que vous ne pouvez pas la mettre… Luaeuh pardon, luaeuh fiche dehors…
— Non, non, c’est lamentable, ça se dit « lia ».
— Vous me les briser…
Elle ouvrit la porte en la forçant presque. Le spectacle devant elle était quasi comique. On avait dressé un tipi au-dessus du lit de Mat. Le vigile et ce qui semblait être sa copine étaient à genoux à bredouiller des paroles incompréhensibles et un « être » tout vêtu d’argent, rouge à lèvres et fard à paupières inclus, exécutait une sorte de danse autour de l’installation. Parapet prit une profonde inspiration.
— Dehors ! DEHORS !
Le présumé Docteur Lucas cessa net de tournoyer et s’avança vers elle tout sourire étincelant.
— Qui êtes-vous donc mon enfant ?
— La personne qui va te foutre un sacré coup de pied au cul petit elfe lumineux de connerie si tu ne sors pas de là. Cette personne est alité, vous ne faites pas partie de ses proches, ni de sa famille. Il est malade…
— Qui en a décidé ?
Cette question la laissa toute pantoise.
— Cet homme est dans le coma. Il a été diagnostiqué à l’hôpital.
— Qui sont-iels pour poser un tel résultat ?
— Des médecins, je suppose. Mais, dis-moi, suprême de mes deux, tu penses qu’il est atteint de quoi, je suis curieuse.
Le docteur Lucas ferma les yeux en grognant un long moment, puis les écarquilla en effectuant des mouvements de bras grotesques.
— Je crois juste qu’il se repose, je veux annoncer que son âme a besoin de se retrouver.
Parapet aurait eu envie de le ou la gifler, mais préféra lui demander d’évacuer la pièce sinon elle intenterait un procès contre eux. Elle vira aussi le vigile.
— Sachez que vous êtes la peste de ce pauvre homme. Vous verrez par vous-même lorsque la police trouvera la preuve qu’un miracle s’est produit ici, nous reviendrons l’aider.
— DEHORS !
Tout se passa après dans un silence quasi-religieux où Satan et Sophie observèrent Parapet répondre aux questions des journalistes. Ces derniers fondirent comme une nuée de grillons sur les gendarmes lorsqu’ils vinrent fouiller la propriété. Les bandes-vidéo furent embarquées, l’infirmière soigna Mat et quand Parapet retourna faire la leçon aux deux autres ;
— Oui, c’est vrai, on t’a laissé faire pour qu’aucune publicité négative ne nous retombe dessus.
— Bien entendu, le pitbull n’a aucun sentiment, siffla Parapet.
— Tu es agent, tu es censé encaisser ça mieux que nous.
— Vous pouvez m’appeler quand un délire comme ça arrive, je fais plus que mon taff. Où est passée sa sœur, j’essaye de la joindre depuis des jours, elle fait la morte, c’est elle qui devrait gérer cette merde.
— Oh, tu sais, elle était en retraite quelque part dans un coin paumé du monde. Elle doit tester des trucs de bien-être alternatif, le temps qu’elle redescende… répondit Satan.
Parapet était debout face aux deux garnements assis sur le canapé à se tordre les doigts en attendant que la tempête s’arrête.
— Je suis certaine qu’au fond, vous vous éclatez !
— Oh non, non, promis.
— Je t’assure, c’est… Juste différent de ce qui se passe normalement pour la sortie d’un Best-seller…, minauda Satan.
— Ta gueule !
— Meuf, croit le ou non, c’est un Best-seller. Les porte-monnaie ont gagné. Même dans son scénario le plus improbable, Matthieu ne l’aurait pas cru, protesta Sophie.
— C’est ce bâtard qui a fait de la merde ! assena Parapet en fixant Satan. Il n’en mena pas large et évitait de rencontrer la fureur de son regard. Tout penaud, il s’excusa.
— Je prends des vacances, je rentre, vous vous démerdez.
Puis elle les planta là et s’en alla. Ce soir, elle s’enfila assez de verres pour s’empêcher de retourner sur ses pas et de les surveiller.
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