LE BEAU AU BOIS DE BOULOGNE, PARACELSIA LE SAIGNÉ – LECTURE 11

Le Dojo Fifi Roukine (taille reelle)
Couverture réalisée par Paracelsia Le Saigné

« Un jeune écrivain plonge dans un coma douteux qui profite à son éditeur et voit défiler à son chevet ses détracteurs/trices et admirateurs/trices. »

LECTURE JOUR 11

Hier soir, dans le cocon mérité de son lit, Parapet avait allumé le téléviseur. Même si elle ne voulait pas avoir à écouter les conseils de Sophie, elle avait fini par céder à la curiosité. Quasiment tout le monde s’interrogeait sur ce qu’il arrivait à Mat que l’on surnommait l’auteur endormi parfois en se moquant ouvertement de lui et de son dernier roman, étron avaient déclaré certains journalistes.
— Heureusement qu’il est tombé dans le coma, ça lui évitera la honte de se perdre dans ces salons littéraires pour jeunes filles en fleurs et quarantenaire en manque de libido.
Et puis le problème d’éthique de ce projet de laisser les gens tenter leur chance de le réveiller s’était posé. Le sourire de Satan perçait l’écran, il défendait sa cause, et insistait sur le côté ludique de ce jeu douteux. Il s’était retrouvé dans le pétrin lorsque le mot « viol » fut prononcé. On blâmait sa famille, son éditeur et son agent.
— On demande à des inconnus de le « toucher » sans sa permission, alors qu’il est malade ?
— Mais avant tout ceci, il était totalement d’accord avec ce genre de publicité.
Parapet décrocha immédiatement son téléphone.
— Mathieu, tu as intérêt à ramener ton cul demain chez Suppôt. Tu vas devoir recruter plus d’agents de sécurité. Tu ne sais vraisemblablement pas ce que tu as déclenché… Putain ! Si, tu le sais ! Je te le dis parfaitement, calmement : je vais te péter la gueule.

Puis elle raccrocha. Avant de sombrer devant les infos, elle eut le temps d’apercevoir le portrait d’Anthony et la bande sous celle-ci qui annonçait que le Boucher était toujours en cavale.
Le lendemain, l’arrivée de Parapet sur le parking de Mat était très attendue. Une voiture à couper le souffle trônait dans l’allée, couleur de feu, rutilante sous les lueurs du jour timide. Une splendide rouquine en tailleur blanc se dirigea vers elle. Sa démarche avait quelque chose d’irréel, ses lèvres rouge sang accaparaient toute l’attention de Parapet. La jeune femme portait une énorme paire de lunettes de soleil de chez Prada. De la tête aux pieds, l’apparition était parfaite.
— Bonjour… Fifi co.
— Parapet…
— Oui, je le sais bien mademoiselle. Je suppose que vu votre retard, personne n’a pris la peine de vous prévenir de mon arrivée, ou vous êtes tout simplement mal poli.
Parapet ne sut pas répondre à cette question, obnubilé par le parfum de Fifi co. Elle ne s’attendait même pas sa venue et n’avait jamais aperçu de photo de l’artiste. Elle avait toujours entendu Mat en parler avec beaucoup de prudence. Selon lui, elle mettait extrêmement mal à l’aise. Alors Parapet avait en tête une affreuse sorcière bossue et criarde.
— Je suis venue pour faire l’inventaire des objets que monsieur Suppôt a acquis de son vivant.
— Il n’est pas mort.
— Au cas où… sourit la rouquine incendiaire.

Planté là comme une ahurie, Parapet ne maîtrisait plus ses réparties et Fifi co s’en rendit compte.

— Je vois. Allons-y ! soupira Fifi co.

Parapet bredouilla des excuses en emboitant les pas à la jeune femme. Le vigile aussi paru soufflé en la suivant des yeux, la bouche ouverte. Mat était désespérément endormi comme toujours, mais la rouquine n’en fit aucun cas. Elle ôta délicatement ses lunettes, ses émeraudes se posèrent sur chaque objet de la pièce, avant qu’elle ne sorte de son mini sac Chanel, un mini appareil photo pour commencer son travail. 
— Vous semblez éreinter. Le sommeil est très important pour la peau, lança-t-elle sans un regard pour Parapet qui fut surpris par cette remarque.

— Je suis las, c’est une habitude.

— Las de quoi ?

— Je trouve le monde attendrissant, mais le monde ne me trouve rien d’intéressant.

— Hum, le fameux syndrome de persécution.

— Pardon ?

— Qu’est-ce que vous comptez faire au juste, ruminer ? Continuer à se persuader que la terre entière vous méprise ? Vivre en mendiant l’aval des autres ? Vous êtes locataire de votre vie c’est ça ? Vous croyez pouvoir restituer les clés, faites-le !

— Je ne comprends pas…

— Chérie, je supporte ce discours de dépressif tout le temps, vous avez une existence que vous gâchez considérablement à chialer auprès des gens qui vous invisibilise, voir de parfaits inconnus. Vous attendez quelque chose ? La parole divine certainement. Mes clientes pètent dans de la soie et peuvent se permettre de se torcher le cul avec des feuilles dorées, mais je les entends se plaindre sans cesse qu’elles ne servent à rien et que personne ne les aimes. Je vais être parfaitement sincère, je m’en cogne. J’ai un seuil de tolérance assez important, pas de chance pour vous, je sature aujourd’hui. Le pot à réclamation est plein à craquer, voyez-vous les fissures ? Demanda-t-elle à Parapet en s’approchant son visage du sien. 
— Euh non…

— Il y a des fissures ! Je suis venue faire mon travail, le légume a signé un contrat, je suis ici afin d’évaluer la situation. Si vous voulez parler d’art, de nourriture, de la bourse, je suis votre amie. Si vous m’offrez des chopes de bières, je serai votre hôte, mais les histoires du désastre de votre vie, je m’en contrefous.

— Et s’il se réveille ? Déglutis Parapet devant une implacable Fifi co.

— Il garde tout bien sûr, la garantie Fifi co and Stark en cas de décès est de 7 jours ouvrés après le trépas du client, temps imparti aux familles pour se déclarer et hériter des meubles, sinon, ils nous reviennent de droit.

— C’est un peu une grosse arnaque.

— C’est le deal.

Puis, elle l’oublia. Elle la laissa complètement sonnée au milieu de la pièce pour retourner inventorier ses œuvres que Mat avait achetées de son propre aveu afin de paraître aussi snob que Satan, parce qu’il en avait les moyens.

— J’ai honte ! Je pense les revendre, mais une connerie dans le contrat de cette artiste m’en empêche, lui avait-il avoué un soir. J’attends que les bibelots prennent de la valeur pour les léguer à une association caritative.

Pourtant, Parapet était soulagé que ce soit Fifi co qui se présente aujourd’hui, elle n’avait pas à gérer un débordement ou une surprise de dernière minute. Mais clairement, elle se mit à se faire des tas de films entre une rencontre romantique Satan et Fifi co. Si ces deux-là pouvaient s’unir et donner naissance à un enfant, ce serait certainement l’antéchrist.

Fifi co s’en alla comme elle était venue, avec une allure distinguée et aussi dure et froide que le glaçon que Parapet glissa sous sa langue. Elle se prépara à décapsuler une bouteille de tequila. Elle se trouvait incroyablement quelconque, hideuse… L’effet Fifi co, probablement.

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