L’Artiste Groumf, par Sam Bender : Interview FuckedUp !

1 – Première question, on va commencer facile : qui es-tu ? Je te vois venir avec une réponse déjà toute faite, mais précise quel gauchiste tu es, si tu as toujours eu les cheveux invisibles, ton parcours politique. Pourquoi ce pseudonyme, Groumf ? C’est parce que t’es toujours grognon ?

Je suis un type, né il y’a environ 36 ans. Un jour je vais mourir. Du coup entre les deux, pour tuer le temps, je fais des trucs, comme me raser la tête depuis mes 22 ou 23 ans, parce que les gens qui ont des cheveux ont toujours, toujours, des idées pourries. Ou des gueules de merde. A part les finlandais.

Pour ce qui est du positionnement politique, j’suis pas politisé. La politique bon pour les abrutis qui s’agitent inutilement dans un monde absurde, soutenus par des blaireaux qui pannent rien à rien. Si la politique avait du résoudre quoi que ce soit, ça se saurait, on fait de la politique depuis la nuit des temps, le seul truc qu’on a déterminé c’est que tout ce qu’on a essayé est voué à l’échec. La politique c’est un peu comme la religion : un tas de gens persuadés de détenir la vérité ultime, qui passent leur temps à faire du prosélytisme pour que les autres vivent et pensent comme eux, en s’imaginant que le monde tournera mieux si on les suit. Le monde tournera mieux quand notre espèce se sera éteinte, comme ces connards de dinosaures. A la limite j’adhère à une doctrine, celle qui dit que nous visons tous dans le ventre d’un chien géant.
Sinon oui, on m’appelle Groumf parce que je suis tout le temps vénère. Et saoulé.
J’suis un mec marrant, enfin j’imagine, mais c’est plus par dépit. Soit j’fais marrer les gens, soit je les décalque sur le bitume à coup de rangers. « Groumf » traduit bien ça. C’est absurde et grognon. Ça fait onomatopée, ça fait BD, genre homme des cavernes.

2 — Quelle est ton activité, hormis brasser illégalement de la bière ? (À ce propos, je n’ai toujours pas de nouvelle de ma dénonciation).

Brasserie artisanale de Groumf

“Devenir brasseur autonome, un rêve devenu réalité. Faire 25 litres de bière demande 6 heures de boulot, deux – trois semaines de fermentation, un mois de garde avant de picoler. J’aime les occupations chronophages et nécessitant un esprit empirique.“

Alors le brassage maison n’est pas illégal en France. Avant de dénoncer mes pairs, je m’assure que la dénonciation aboutira à quelque chose. C’est mon arrière-grand-père qui m’a transmis cet appétit pour la précision et la délation efficace, mais je te reproche pas de ne pas avoir eu pour modèle un aïeul qui s’est illustré sous Pétain et une grand-mère tondue à la libération pour avoir fait preuve d’un peu trop de vaginspitalité avec les teutons. Par contre, j’ai ton adresse, tu veux que je parle des enfants dans ta cave ? Non ? Ok. On reprend. Sinon mon véritable métier c’est grosso modo technicien pour un logiciel d’immobilier, mais ça on s’en branle. Quand j’ai du temps de libre, ou quand je fais quelque chose qui m’intéresse pas (en gros 90 % du temps) et si j’ai une main de libre (je te vois venir, et c’est dégueulasse) : je dessine. Des illus, des BD, principalement. Je tiens deux séries principales : Une Saga héroic-fantasy viking métalleuse intitulée « From Afar » et une série plus , que j’ai entamée il y a une dizaine d’années et que je tiens de manière sporadique : « Tranches de vide » une sorte d’autofiction un peu barrée où je mêle humour noir, absurde, geek et références aux univers qui me sont familiers (sci-fi, comics, manga, metal) « Tranches de vide » s’est décliné, il y a un an, en un projet parallèle spécial « confinement » sorti en deux tomes.

Couverture Tranche de vide Groumf

” Confinement, tome 1. Elle traduit bien mes gouts et penchants en matière de dessin : du rouge, du gris, du noir et blanc, des détails inutiles à foison.”

3 — As-tu une formation dans le dessin ? Un maître ? Un précepteur ? Ou est-ce que tout ça t’est venu suite à l’enlèvement par des extraterrestres après t’avoir collé une sonde anale ?

Du tout. Ni formation, ni maître, ni précepteur. À la rigueur mon vieux dessinait, mais surtout des trucs d’alcoolique toxicos, genre abstrait ou psyché avec des couleurs, truc de branleurs quoi, j’en ai pas retiré grand-chose. Je fais un aparté sur la sonde anale, j’ai jamais pigé : les mecs ils traversent l’univers et ils ont pas une technologie plus élaborée et moins invasive que de nous enculer ? Mon cul. Ou alors c’est la perte de leurs organes génitaux qui leur fait faire des trucs chelous. Pour en revenir au dessin, j’ai toujours dessiné, depuis tout môme, comme tous les gosses quoi. Sauf que moi j’ai continué quand les autres ont délaissé les crayons. Différence notable toutefois, pendant que les autres morveux dessinaient des maisons à la con avec de la fumée qui sort de la cheminée et des fleurs de merde, je dessinais déjà des BD. On me lisait pas des livres pour enfant quand j’étais petit, mais des BD. Mon père, qui collectionnait les albums, me lisait des Asterix, des Lucky Luke, des Gaston Lagaffe (j’ai depuis un amour immodéré pour Franquin, surtout pour ses “Idées noires”) et la moitié des auteurs Fluide Glacial des années 70 – 80… Bref on me lisait des BD, de mes 3 ans et jusqu’à mes 5 ans, âge auquel on s’est dit que j’avais assez d’autonomie pour lire par moi-même, et que j’avais pas besoin de surveillance, j’suis allé piocher allégrement dans des trucs qui étaient pas de mon âge (Vieux numéros de metal hurlant, fluide glacial, de la SF un peu chelou, me souviens pas de tout, j’pigeais sûrement que dalle, mais les dessins étaient magnifiques ou dérangeants, ça me fascinait. J’ai dû faire ma première planche vers 4 ans. Je m’en souviens encore. Un truc moche en 5 cases. Une histoire d’un loup qui essaie de bouffer un lapin débile (On matait pas mal de cartoons à la maison, du coup ça devait être pas mal repompé sur Bip-bip et le coyote.) Au final la BD c’est mon premier moyen d’expression. J’ai commencé à les mettre en ligne à la grande époque des blogs (en l’an 10 avant les réseaux sociaux quoi.)

Nounourse Groumf

“Nounours, une de mes premières BD en ligne. Le maitre mot : abuser encore et toujours. Trash, humour noir et encre.“

4 — Quelles sont tes influences en matière d’arts plastiques ? Ton professeur de cinquième ? Ark, le premier peintre rupestre néanderthalien ? Ta mamie ?

Que ce soit ma famille ou le système scolaire, je pense que Ark le néanderthalien aurait été plus compréhensif à mon égard. J’ai surtout souvenir qu’à part me dissuader de faire du dessin parce que c’était une perte de temps et la BD un art pour gogol immature, on a pas franchement encouragé. J’ai trouvé mes influences dans la collection de BD de mon père comme expliqué plus haut, puis vers l’âge de 10-12 ans j’ai découvert les comics Marvel qui tentaient d’envahir le marché français après avoir lâché les éditions SEMIC en France. Vers 14 15 ans, j’ai lu quelques manga. Principalement Dragon Ball, Hokuto no Ken, City Hunter, bien plus tard Full Metal Alchemist… Je suis pas un grand fan de manga, mais j’apprécie leur apparente simplicité graphique qui permet à leurs auteurs une gestion quasi sans égale, à mon humble avis, du mouvement. Ils ont une manière unique de gérer le mouvement, la vitesse, les angles. Je veux dire j’adore les comics de supers, mais t’as un côté “scène cinématographique en pause” que t’as pas dans le manga, une gestion du déplacement qui s’affranchi complètement du décor, je trouve ça monumental.

DragonBall Groumf

” Les scènes de combats de Toriyama sont pour moi de toute beauté. C’est clean, lisible, t’as une telle puissance qui se dégage de son trait. Les angles, les mouvements, tout quoi.“

Au final mes influences vont de Franquin, Morris et Uderzo à Mark Bagley, Mc Farlane, Scott Campbell, Les Kubert, Romita, Miller, Don Rosa (pour les détails inutiles) en passant par Toriyama, etc. Je m’imprègne un peu de tout ce que je lis en BD, au sens large. Après je suis un gosse des années 80, la violence graphique, c’est un peu une madeleine de Proust avec des biceps à la Stalone. (Saint Rambo, notre père à tous)

Rambo Groumf

5 — Si je ne m’abuse, la musique semble avoir une grande influence sur ton œuvre, j’y vois souvent des clins d’œil à Wejden, et on sent bien le côté Tragédie dans tes histoires, tu peux nous expliquer ? Trêve de plaisanteries, From Afar, c’est pas un titre anodin, non ?

Metal Groumf

” La première fois que j’ai fait allusion au métal dans mes planches, ça devait être en 2010/2011) “

Attend je sors le chalum… ha OK, tu taquines. Nan, mais la musique c’est un vrai sujet. Un truc sérieux. On peut rire de tout, mais pas de ça. On déconne pas avec la musique. Au cas où c’était pas une évidence, je suis un grand métalleux. J’y fais des références au quotidien un peu sans trop y penser, ça me paraît naturel quoi, le truc fait partie de moi, de mon identité… Bref je transpire musique, je vis Metal, j’y fais tout le temps référence, y’a pas un jour sans que j’en parle, je convertis des gens qu’en écoutent pas jusqu’à ce qu’il se mette à jurer que par cette musique. Si j’étais né dans un désert à la con il y a 2000 ans, le monde serait carrément pas le même.

Convertir Groumf

“Convertir les gens, une sainte mission.”

Je collectionne les albums, j’ai un truc comme quoi, 300 vinyles à la baraque et autant de CD… Donc je métallise à toutes les sauces, mais je le faisais pas spécialement dans mes œuvres, ou très rarement. J’ai toujours eu un côté « rien a foutre de faire un truc qui parle aux gens, j’vais faire un truc qui me parle à moi ». Je fonctionne à l’envie du moment et de mes obsessions. J’ai mes codes, mes références, mais c’est plus récemment que j’ai intégré le métal à ce point dans mon univers graphique. C’est surtout venu avec From Afar en fait, mais faut remonter plus loin pour comprendre le pourquoi du comment j’en suis arrivé à From Afar, mais après avoir tenté d’expliquer me suis rendu compte que ça faisait 12 pages rien que pour cette question. Je sais pas si t’as remarqué j’ai tendance à digresser. Donc en version courte (enfin courte…) : Il y a 9 ans j’ai arrêté le dessin suite à une rupture et un changement radical de vie. Je pensais que ça reviendrait, mais c’est pas revenu. Le temps passe, mais ça revient pas. En trois ans je ponds, péniblement 15 pages de Tranches de vide. Faut comprendre que mon ex était pour moitié dans le processus de création de « tranches de vide ». Le rouge de mes dessins noir gris blanc, c’était pour elle, c’était elle.

Rouge Groumf

« Le rouge, c’était pour Elle. »

Tu retires quelques ingrédients à la recette, tu modifies des constantes dans ma vie, la chimie opère plus, la magie s’éteint. J’ai besoin de repère sinon ce qui sort de mon esprit c’est pas fun, c’est glauque, et je m’enterre tout seul. Le dessin pour moi c’est assez ritualisé, si tout le reste va pas, ça prend pas. Je sais pas trop si je dessine pour extérioriser mes démons ou pour les intérioriser, genre tant que je suis occupé à faire le seul truc qui me botte réellement, la merde reste larver dans un coin de mon esprit, parce que je suis trop occupé à créer des conneries. Sauf que là ça marchait plus. Et puis un soir, je retrouve des potes, il neige genre j’en ai jusqu’aux genoux, ça me taillade le visage tellement il y a de vent, le temps idéal, j’écoute du equilibrium, (album Erdetempel, piste Stein meiner ahnen) je trip sous la tempête, j’y vois un dragon, j’me dis ça ferait une bonne BD. Un connard perdu dans la neige, casque sur les esgourdes, en train de se foutre sur la gueule avec un dragon. C’était poétique. Bim 15 pages. C’est pas parfait, mais au moins j’ai fait quelque chose, je reprends confiance, j’me dis que c’est bon, j’veux faire un truc plus conséquent. J’reprends confiance, je monte une histoire, j’sais pas où je vais avec, mais je verrai plus tard. 35 pages inachevées. Le truc s’appelait « Nexus ». Il aura jamais de fin, fail complet. Ça me fout le cafard. J’suis reparti pour 2 ou 3 ans sans toucher un crayon, juste de temps en temps pour griffonner, des trucs pas terribles, mal fichus, quelques dessins inspirés que même aujourd’hui je serais incapable de refaire tellement ils étaient parfaits, et ça me donne un peu d’espoir, c’est pas terminé.

Nexus Groumf

” J’avais difficilement pondu cette histoire, mais elle a un écho particulier, rétrospectivement “

Mais la magie opère toujours pas, les quelques moments où elle est revenue ont pas suffi. J’me fais une raison. Tant pis. On arrive en février 2016, il fait moins 10, il neige, il gèle — on notera la redondance — je marche après 3 heures de sommeil vers la maternité, ma fille, Edda, est venue au monde. Je suis passé à la maison chercher quelques affaires, je retourne la voir, j’écoute From Afar d’Ensiferum pour la millionième fois. J’avais découvert cet album en 2011/2012, justement à l’époque où tout a foutu le camp. Cet album, je l’écoute quand ça va pas, quand ça va, quand je veux que le truc le plus anodin de ma vie soit épique, je respire grâce à cet album, il se passe pas au moins un mois sans que je l’écoute au moins une fois. L’avant-dernière piste, je la chante à ma fille en guise de berceuse, du coup j’ai une môme de 5 ans qui connaît une chanson en finnois. J’ai une version vinyle limitée à 100 copies, que j’ai fait signer par tous les membres du groupe quand je les ai vus pour la 8e fois en concert. Quand je serai mort j’veux être enterré avec mes épées mes haches et cet album, putain de merde !

From Afar d’Ensiferum

”From Afar d’Ensiferum, Mon album favori, ma bible“

Bref, j’suis là dans le froid, je marche sur mes cernes, « The longest journey » débute… et là mon esprit s’est réveillé. Le truc qui m’arrivait plus. j’suis parti quelques minutes dans mes pensées, comme avant, et tout un monde s’est créé, toute une histoire, une saga, une grande aventure, drôle, épique, tragique, avec des Vikings, du métal, ma fille. S’en est presque frustrant, la vitesse de l’esprit, et le temps qu’on va consacrer à restituer comme on peut le fruit d’un instant d’égarement. Et puis j’y suis retourné régulièrement, j’ai sculpté ce monde dans ma tête, j’ai vécu l’histoire encore et encore. Des milliers de fois. J’ai commencé les crayonnés de From Afar en 2017, un peu moins d’un an après ma vision.
Les premières esquisses, j’ai eu du mal, j’étais rouillé, et j’avais pas encore conscience de la taille que ce bordel allait faire. Je pensais faire 50 ou 60 pages. Tu parles, j’me berçais d’illusion, j’avais pas encore pigé que je pouvais pas le faire court. En 10 mois j’ai dessiné 300 pages de crayonnés. J’ai dessiné quasi tous les jours, dès que j’avais du temps de libre… toutes mes pauses dej et mes soirées y sont passées. Je dessinais même en bossant. Arrivé à la fin, j’avais tellement dérouillé que les premières planches ressemblaient à rien comparées aux dernières. Y’avait 8 mois entre la première et la trois centième, à l’œil t’avais l’impression que 10 ans les séparaient.

Planche de From Afar Tome 4

” petite exclue, une page crayonnée de from afar, la 268 qu’on verra dans… tome 4 “

Je me suis résigné à ne pas sortir un tome de 300 pages, sinon j’y serais encore, et le truc serait invendable, j’ai scindé le premier arc en 4 volumes. Quand on m’a demandé le titre de ma BD pour la première fois, quand c’était encore à l’état d’un vague rêve, le seul truc que j’avais dessiné c’était une espèce de page titre avec l’horizon, des bateaux, une montagne, l’océan et en haut, j’avais écrit… « From Afar ». En hommage à l’album qui, finalement, m’aura un peu maintenu à flot dans des moments délicats, et accompagné depuis une dizaine d’années.

From Afar Tome 1

« Le tome 1 de « mon » From Afar. Un investissement énorme au quotidien, mon bébé, ma fierté ! »

Le scénario casse pas trois pattes à un cheval, c’est basique, le but est pas de miser sur la complexité de l’histoire (pas tout de suite), je veux juste un truc contemplatif, un truc que te colle à la rétine et te fait dire « putain c’est beau ». Je passe 10 fois plus temps sur une planche de From afar que sur une planche de Tranches de vide, le graphisme est pas du tout le même… nref, je veux le truc que j’ai vu dans ma tête ce jour-là, mais ça pouvait pas rester juste dans ma tête, j’voulais vraiment en faire quelque chose. Parce que ma fille me l’a inspiré, un jour j’veux pouvoir lui montrer ça, lui montrer des milliers de pages, des tomes complet, une saga, et lui dire que c’est pour elle, et que tout ce qu’elle voit, sous ces milliers de dessin, ces couches d’encre, ces références, ces allégories plus ou moins compréhensibles : c’est moi, mon véritable moi, débarrassé de mes angoisses, mes trauma et ma dépression chronique, de mon cynisme désabusé et de mon ironie, y’a juste un rêveur, un gosse, qui s’amuse avec son p’tit monde. J’veux créer un monde et lui offrir. Parce que de toute façon je sais rien faire d’autre que ça. Y’a une dimension très personnelle dans From Afar, je cache beaucoup de chose en fait, j’espère qu’elle saura lire entre les cases.

From Afar Tome 2 ou 3

” petite exclue : l’image qui servira surement de couverture pour le tome 2 ou tome 3 de From Afar “

6 — Il semble que ton travail soit assez peu consensuel, certains diront même que tu es un provocateur. Te définis-tu, tel Jean-Pascal de la Star Ac », comme un agitateur ? À l’image de Florent, estimes-tu qu’on n’aura pas ta liberté de penser ?

Un agitateur, ça gicle partout et ça s’essouffle vite. Et chez moi on dit « un secoueur de schtroumpf ». Alors From Afar, c’est un truc de niche, t’accroche ou pas, et puis maintenant je pense que tout le monde a pigé ce que ça représente pour moi. Mais ouais si on part sur Tranches de vide, et spécialement les tomes « Confinement »… J’essaie pas d’être provoc’ ou agitateur. En fait je m’amuse : si ça me fait marrer, c’est une bonne idée, voilà le plan. J’expérimente. J’me lâche. Tranches de vide, c’est un terrain de jeu. Après j’ai conscience que parfois c’est limite, et souvent, je le fais juste par plaisir un peu sadique, le plaisir d’abuser, de jouer avec des concepts négatifs — ou perçus comme tel. J’ai pas de fil conducteur, je fonctionne à l’instinct. Après ça fait rire ou pas, ça fait réfléchir ou pas, ça fait grincer des dents, mais en fait y’a pas de grand message ou de grande théorie derrière. Je suis pas responsable de ce que ça va provoquer chez celui qui me lit, ni de comment ça va être tourné. Y’a des moments au final j’ai même pas l’impression de déformer la réalité tellement le monde est absurde. Parfois je balance des trucs, c’est juste par plaisir de dire des saloperies, enveloppées dans un schéma qui laisse penser que j’ai un truc à dire ou que je suis révolté par quelque chose. À la rigueur je serais une caricature de l’artiste engagé dans une caricature du monde qui nous entoure. (putain d’inception) Quelque part, c’est honnête, c’est de l’humour pour faire de l’humour, par plaisir. Rien de plus ni de moins. Avec la finesse d’un Demolition Man. J’écoule quoi, 60, 70 exemplaires de mes trucs, c’est bien, je garde une proximité avec mon public, j’peux, à mon échelle, gérer moi-même, de la feuille de papier vierge jusqu’à l’envoi du projet finalisé au lecteur, c’est cool. J’veux rester « petit » aussi longtemps que possible, dans un truc de niche, à ramer pour vendre des trucs, parce que faire sa pub, sa promo, tout ça, c’est pas mon truc, j’en ai rien à foutre, j’suis pas un vendeur, mon truc parle pour lui et j’ai rien d’autre à offrir. Si j’étais un zikos, j’serais un black métalleux, j’ferais de la musique pour qu’elle soit pas accessible. J’fais du dessin pour ça, pour faire mes merdes et qu’on me foute la paix. Venez kiffer ou me faites pas chier, en gros. Être un auteur reconnu avec des milliers de lecteurs m’intéresse pas. J’ai pas envie de me justifier et faire des excuses dès que je bouge un orteil, donc à mon échelle je fais un peu ce que je veux, je suis personne, c’est bien. Je resterai fidèle à cette ligne de conduite.

Strip Groumf

” Celle-là tu vois, j’pensais avoir plus de problème avec la team 1er degré “

7 — Je me demande, et à travers moi, l’humanité entière, quel objectif tu poursuis en inondant le marché de tes planches. Cherches-tu à éveiller les consciences ? Est-ce là un geste politique ? Au sens philosophique, pas au sens Balkanyste. Explique-nous un peu, qu’on sache si nous sommes face à un anarchiste militant ou un simple passeur de rêve. C’est ton métier, vraiment ? Est-ce qu’on peut au moins parler de métier, enfin, je veux dire, tout le monde sait que les saltimbanques vivent aux crochets de ceux qui bossent.

La question est intéressante en plus d’être marrante parce qu’on jurerait que t’as anticipé mes réponses et qu’ici on va synthétiser ce qu’on a dit plus haut. J’ai pas de fil conducteur, je fonctionne à l’instinct. Après ça fait rire ou pas, ça fait réfléchir ou pas, ça fait grincer des dents, ça peut émouvoir et tout, ça peut être esthétiquement plaisant… mais en fait y’a pas de grand message ou de grande théorie derrière. Ma démarche n’a d’autres visées que celle du divertissement pur. J’ai pas la prétention de pouvoir ou vouloir changer les choses, les gens, les mentalités, je cherche pas à plaire à tout prix, ou à tout le monde. Et le divertissement consiste pas à brosser toutes les sensibilités dans le sens du poil, comme ça semble être de mise à l’heure actuelle. Je m’étendrai pas sur le sujet, tout et son contraire ayant été dit, mais de manière générale, l’art, c’est, entre autres choses, le moyen de transgresser le réel, sa propre condition, ses limites ou les limites qu’on t’impose…

Aujourd’hui on demande aux artistes de marcher sur des œufs et de faire la promotion d’une version idéalisée et balisée du monde. C’est pas au monde réel de dicter sa conduite à l’imaginaire. Putain c’est le seul moyen de faire ce que tu veux sans, finalement, réellement nuire à qui que ce soit. On en revient à cet éternel sujet de merde et la prétendue « responsabilité » des auteurs envers les travers du monde qui serait de leur fait, ou contre lequel ils devraient se battre… J’suis pas un artiste engagé. Je fais des gribouillis parce que ça m’amuse, quelque part, il y’aura un lecteur que ça branchera, parce qu’il a les mêmes délires. J’me connecte aux gens quand je fais mes merdes, et c’est le seul moyen d’interagir réellement avec les autres. Au final non c’est pas mon métier, ça le sera probablement jamais, c’est une passion dévorante et chronophage, et je me dis que ça doit le rester. Je veux pas que ça devienne une contrainte, je suis libre sur ce plan là et j’ai de compte à rendre à personne.

Extrait tome1 From Afar

” Si je cherche un truc et un seul, c’est surtout de faire ce genre de planches. C’est sur ce genre là que je prends mon pied. Extrait du tome 1 de « From Afar “

8 — Attention, question psychanalytique, histoire que les lecteurs puissent un peu mieux comprendre ta psyché. Parle-nous de ton enfance, puisque c’est là que s’ancre notre surmoi, cette espèce de concept qui vient nous mettre des limites. As-tu grandi dans une ferme communautaire dans le Larzac ? Es-tu fils de jeune giscardien ? Dis-nous en plus.

Enfance de merde. C’est pas le passage obligé, loin de là, mais vraiment. Après ça s’arrête là. Est-ce que ça une influence ? Oui bien sûr, j’serais pas la même personne si j’avais eu une vie sympa, du coup je ne ferais pas la même chose, ou peut-être que si, on saura jamais, du coup j’me pose pas la question. À la rigueur j’aurai peut-être eu plus confiance en moi pour me lancer dans certains projets, mais les choses sont ce qu’elles sont, je serais peut être mieux dans mes pompes, surement, le reste c’est de la masturbation. Mais ce serait à refaire, je voudrais que ce soit identique, je changerais aucune des tartes que j’me suis bouffées, j’voudrais pas être quelqu’un d’autre.

9 — Passons maintenant à des considérations plus générales. Qu’est-ce que tu aimes dans la vie ? Es-tu lecteur assidu de BHL ? Es tu pour ou contre la prolifération des algues vertes sur la côte Bretonne ? Qu’est-ce qui fait que tu te lèves le matin ? Vas-y, tu peux tout dire, t’as carte blanche.

Ce qui me pousse à me lever le matin ? Comme tout le monde. Le réveil.

Tranches de vide ep21

“Tranches de vide ep 21 — octobre 2011“

Les Bretons c’est pas des normands en moins bien ? Genre un peu comme les Danois qui sont les versions low cost des autres peuples nordiques qui déchirent comme les Norvégiens ou les Finlandais ? En fait on a fait le tour de mes sujets de prédilections : La fabrication d’alcool, le metal, la BD, moi même. J’aime les sujets obsessionnels sans fin, j’ai un gros côté empirique. En fait le problème c’est que je pourrais faire tellement d’autres choses si je devais pas passer huit heures de ma journée au boulot. Du coup je rogne sur mon temps de sommeil. Dormir c’est pour les faibles.

10 — Si tu pouvais réaliser un rêve, en tant qu’artiste, ça serait quoi ?

Je l’ai réalisé, et j’ai mis du temps à comprendre, mais ouais, j’ai réalisé mon seul rêve de gosse : je suis dessinateur de BD. Évidemment, ça c’est pas passé comme je l’imaginais, c’est loin de ressembler à ce que j’avais prévu… mais au final, je suis devenu ce que je voulais devenir. J’avais aucune autre ambition artistique, et j’en ai pas d’autres. Peut-être, faire de la musique, un jour. Quand j’aurai le temps de me pencher sur la question.

Couverture fictive Tranche de vide

“ce qui aurait du être la couv’ du tome 1 de tranches de vide y’a 10 ans… jamais édité.“

11 — C’est le moment merch & prospect, dis-nous ce que tu as déjà mis à disposition du client et où on peut le trouver !

from Afar Tome 1

Le tome 1 de From Afar et les 2 tomes de Confinement sont dispo, cliquez sur l’image et vous y aurez accès.

QUESTIONS BONUS !

12 — Selon toi, c’est chocolatine ou pain au chocolat ? Les lecteurs attendent une réponse, c’est un débat qui agite le pays depuis trop longtemps, ce que tu diras deviendra parole d’évangile… Ou pas.

On crame tout, le chocolat ça n’a rien à foutre dans du beurre en forme de pâte feuilletée, la plupart du temps c’est dégueulasse et de qualité douteuse, quel que soit son nom. Non, la vraie question, c’est pourquoi foutre du chocolat quand on peut y foutre de la viande, genre un putain de pâté lorrain avec sa viande marinée. Pour les autres régions, c’est comme un friand à la viande, sauf que nous c’est pas tout sec et ça a du gout. Et c’est plus gros. Qu’ils aillent tous se faire foutre avec leur pain au chocolatine.

13 — Il est où le bonheur, il est où ?

Nulle part. Le bonheur, c’est juste un instant de répit entre deux dépressions.

14 — Pour ou contre le port du masque inclusif « Jason » dans les maternelles ?

Si on met des lames de rasoir dedans c’est inclusif aussi ?

15 — Quel est ton style d’église préféré ?

Celle qui brûle !

Eglise en Feu Groumf

16 — Ton insulte favorite ?

Encules Groumf

Je pense que ça répond à la question non ?

17— Le politicien dans lequel tu aimerais être réincarné ?

N’importe lequel de ces fumiers de dictateurs, genre Kim Jong je sais plus combien, juste pour terroriser un pays et jeter des opposants politiques à des chiens. Je vois pas l’intérêt d’être un politique si c’est juste pour magouiller et toucher des pots de vins comme nos lopettes au gouvernement. J’veux être un putain de malade mental qui fout le pays à feu et à sang pendant que l’armée défile pour sa gloire. Pour le fun.

18 — Pour toi, quelle marque de bière produit le meilleur son au décapsulage ?

La furax, une excellente IPA de la brasserie « La furieuse » à Sassenage, dans les coins de Grenoble.

Biere Furax

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