Épisode 4 : Trouble jeu
Couverture réalisée par Fifi Roukine, source photo : RODNAE Productions
Si son sensei a développé des sentiments pour elle, il comprend que Laure ne les partage pas.
Les coups volaient. Les contres s’enchaînaient. Une mécanique que huilait leur grade. Un engagement qu’intensifiait la bête agressive tapie dans ses tripes, celle qui les rongeait à chaque fois qu’elle le touchait.
Laure profita d’une ouverture dans sa garde, puis de son élan lorsqu’elle lui agrippa le jujitsugi pour le jeter au sol. Greg tenta une riposte qui la renversa avec lui.
Laure chevauchait une montagne. Ressentir sa force entre ses cuisses la paralysa. Elle ne respirait plus, le corps en feu depuis qu’ils avaient engagé l’exercice. Un brasier que tisonnait un pur désir physique. Les idées se bousculaient dans sa tête, sulfureuses, déroutantes alors qu’elle surmontait un autre homme que celui qu’elle fréquentait.
Greg la fixait en retour, les yeux écarquillés par la panique.
— Tu devrais bouger, lui conseilla-t-il, la voix aussi tendue que ses muscles.
L’impression d’intimité se dissipa. Laure réalisa sa posture et les regards, elle en bondit comme un cabri. Greg se releva avec une pareille précipitation jusqu’à en reculer de quelques pas. Son dos heurta Karim. Bousculé, le ceinture verte exécuta un superbe brise-chute dont le contrôle reçut les compliments de leur senseï.
— Laure, peux-tu aider Justine avec cette technique. Delphine ne s’en sort pas avec elle.
Le trouble l’habitait encore quand elle acquiesça sans oser lever le nez vers son amant. Si changer de partenaire la soulageait sur l’instant, se retrouver avec la ceinture orange équivalait à une punition. Son attitude équivoque envers Greg titillait sans doute la jalousie du senseï, ce qu’elle déplora autant que sa propre conduite.
— T’es toute pâle, constata cette dernière dès que la ceinture verte s’éloigna, de toute évidence ravie de passer le relai. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Rien. Commençons.
— Tu peux me dire. Je te croirai toujours, reprit-elle plus bas.
Bien que ce genre d’attention se révélait secourable dans certaine situation, Laure ne savait quoi lui raconter de plus. L’unique coupable s’avérait son envie, Greg n’esquissait jamais le moindre geste déplacé. Elle en arrivait même à le déplorer, un fantasme qui lui fichait la honte.
— T’as pas l’air bien, insista Justine.
— Entraînons-nous, s’il te plaît. On en reparlera.
La voiture grise l’attendait. Les messages coquins qu’ils avaient échangés ces derniers jours lui revinrent en mémoire. Des sous-entendus, elle se rappelait l’explicite. Malgré la distance qu’il avait mis entre eux durant le cours, l’excitation chassa ses préoccupations.
— Merci d’avoir patienté.
— Comme tout bon prédateur. Même quand il tombe sur un os.
Elle pouffa, sourde à l’insinuation. Il démarra.
Les rues défilèrent sur fond de musique électronique, une deep-house dont les basses langoureuses invitaient au va-et-vient auquel elle aspirait. Son bassin en fourmillait, stimulé.
— J’ai hâte de découvrir votre prochaine leçon.
— Je t’ai donné quelques pistes.
Elle les avait suivies. Des recherches qui l’avaient menée à expérimenter seule, trop émoustillée pour ne pas s’y initier. Quoique s’amuser avec du silicone ne pouvait se comparer au plaisir de la chair, sensation qu’il lui tardait d’éprouver. Elle en frétillait presque sur son siège.
— Un entraînement à marquer dans les annales !
Le rictus de son amant sembla s’affadir comme si sa réponse le décevait. Or, bien que cette émotion s’effaça à la faveur d’une ombre, son timbre exprima une lassitude qu’elle ne lui connaissait pas.
— Tu obtiendras ce que tu veux.
Laure le devança dans l’escalier qui menait à son appartement. Elle avait établi un plan sur le trajet, une manœuvre qu’elle espérait capable de l’enthousiasmer. Son sang en bouillonnait.
Grimper chaque marche balança sa croupe qu’une minijupe voilait à peine, elle se voulait proie affamante dont l’attrait serait un leurre.
— Hypnotique.
À déverrouiller la porte, il la coinça contre le bois.
— Comme une lumière au fond des abysses.
— Tu me tends donc un piège ?
— Seulement si vous mordez à l’hameçon.
— Je suis déjà ferré. C’est bien ma peine.
Constater la bosse qui déformait sa braguette l’allécha, l’initiative lui appartenait. Elle se retourna. Il se pencha au moment où sa vigueur se pressait contre son ventre. Leur souffle se mêlèrent. Sa bouche s’entrouvrit. Le gris de ses prunelles chercha à la transpercer, elle en affronta l’acier avec insolence.
— J’ai envie de vous avaler tout cru, déclara-t-elle tandis que sa main s’insinuait vers l’objet de sa convoitise.
— Tu peux.
Au lieu de s’éclairer à la perspective d’une pipe, son visage se ferma. Elle s’interrogeait à peine sur cette réaction qu’il redressait le menton pour la lui dissimuler et l’entraînait dans sa chambre.
Laure le suçait avec entrain. Si sa technique attestait ses lacunes en la matière, elle voulait lui rendre ce plaisir et le sourire, le dévorer et trouver son propre style.
Tête-bêche, son senseï ne demeura pas longtemps inactif entre ses cuisses. Un gémissement assourdi par la fellation lui échappa, aussi quémandeur que son sexe devenu fleuve, quand ses lèvres épousèrent le tissu trempé qui engonçait encore son intimité.
Les agrafes de son body sautèrent, une langue lui titilla aussitôt l’anus. Une onde délicieuse la parcourut jusqu’à lui hérisser les poils ; la sensation se montrait déjà plus intense qu’avec un godemichet. Elle en piailla, encourageante. Son senseï s’appliqua. La concupiscence et sa bouche la dilatèrent si vite qu’un doigt enduit de salive la perça avec aisance. Cette intrusion s’allia au cunnilingus pour l’incinérer. Son cri manqua d’ailleurs de lui croquer la queue. Il gronda son désagrément puis, en guise de réprimande, le majeur rejoignit l’index dans ses tréfonds. Son cul rayonna comme tisonné par du métal chauffé à blanc, un vertige confus naquit de cet affront. Elle le brailla.
Laure parvenait à peine à lui lécher le gland. Lui, suspendu entre ses lèvres et deux ahanements, la régalait. Mordillée, léchée et doigtée, de la lave qu’engendrait l’ivresse l’immergea peu à peu dans l’extase. Boire la tasse la convulsa.
Baveuse, liquide, Laure n’était plus que râles lorsque son senseï roula sur le côté. Encore raide, il la tira hors du lit et la plaqua contre le mur le plus proche. Il fouilla ensuite son chevet, le geste marqué par l’urgence.
— Vous perdez patience…
— Il y a de ça, soupira-t-il.
— Est-ce que vous êtes fâché ? se risqua-t-elle enfin, témoin de sa piètre humeur. Vous m’en voulez ?
— Non. Je devrais ?
Elle pensa à Greg, à ce moment d’égarement sans importance ; il ne pouvait tout de même pas lui en tenir rigueur.
— Je ne sais pas.
— Alors contentons-nous de baiser.
Son ton ne concédait aucune réplique.
Laure l’observa lubrifier le latex qui enveloppait sa queue. Sous l’éclairage tamisé, ses traits anguleux où s’accrochait un rictus désormais menaçant lui façonnèrent un air dangereux. La fébrilité la transformait à nouveau en gibier, elle en haleta, ravie d’être aux abois.
— Lève la jambe bien haut.
Laure exécuta un grand écart. Son senseï lui attrapa le mollet et s’insinua entre ses fesses.
— Je te conseille de pousser.
Son gland, bien deux fois plus gros que ses deux doigts réunis, se pressa contre son anus sans autre cérémonie. L’appréhension la contracta.
— Pousse !
Lui obéir lui libéra le passage. Il le franchit et la foudroya. Ses cheveux se dressèrent sur son crâne, un jappement obscène lui échappa tandis qu’une lame cuisante lui remontait l’échine. Un tourment de braise s’appropriait son rectum, une trique tel un pal qui l’écartela. Ce supplice lui refila le tournis, sa vision s’en troubla. De ses gargouillis, Laure approuvait pourtant la lente offensive qui s’attaquait à ses entrailles ; chaque empan englouti la ravageait, les sensations aussi vives qu’ambiguës.
Son senseï semblait la pourfendre de part en part lorsque, dans un râle satisfait, il contempla son œuvre.
— Tu es vraiment bonne élève. Voyons comment tu réagis si je remue un peu.
Son va-et-vient lui extorqua un piaillement embrumé. Sa chair irradiait, soumise à des salves incandescentes qui s’échinaient à en cuire la moindre fibre. Le coup de rein plus prononcé qui suivit lui grilla la cervelle. À survivre au supplice, elle devenait sorcière portée au bûcher où le calvaire se viciait de plaisir.
Une Laure en fusion s’accrocha aux épaules de son tortionnaire. Ses ongles s’y enfoncèrent, avides.
— Senseï !
Il glissa les doigts dans ses cheveux et l’embrassa. Elle tourna le visage. Un réflexe qu’elle regretta avant même d’en comprendre la raison ; elle en saisissait les conséquences, le repousser ne pouvait que le blesser.
— Pardonnez-moi… geignit-elle, l’embarras encore mouillée de licence.
— Il n’y a rien à pardonner. Je voulais être certain. J’ai ma réponse à présent.
Il la toisait, l’œil éteint. L’amertume de son amant lui renvoya son détachement en pleine poire. Elle ouvrit la bouche pour se défendre, mais le coup de boutoir qu’il lui asséna la musela.
Toujours dans sa position acrobatique, les jambes écartelées à l’extrême, elle apprivoisa la charge suivante. Son déchaînement soudain la pulvérisa, la foudre l’immola. Et ses sens s’en vrillèrent.
Emboutie sans mesure, cet assaut délicieux lui soutirait des beuglements de plus en plus ineptes. Les cris qu’il invoquait présageaient sa délivrance. Laure s’embrouillait d’extase quand son amant se crispa.
Il clama son orgasme, le ramonage alangui par chaque giclée d’euphorie.
— Senseï ! supplia-t-elle, laissée au bord de la rive. S’il vous plaît…encore.
— Tu es aussi douée que sur un tatami, grogna-t-il, installé au fond de son cul. Tes aptitudes ont nettement surpassé mes attentes. Celui que tu choisiras sera comblé.
Il lui caressa la joue. Un geste tendre qui dénotait dans l’ambiance qu’ils avaient créé entre eux.
— Mais puisque ce n’est pas moi, ce sera notre dernière leçon privée.
Le choc lui écarquilla les yeux, la sueur qui lui couvrait la peau se glaça. Fuir un baiser ne méritait pas un tel châtiment.
— Pourquoi ?
— Nous n’avons pas les mêmes attentes.
— On pourrait faire connaissance…
— Non. Notre relation s’en tiendra désormais à prof de jujitsu à élève de jujitsu.
— Mais vous me plaisez ! gémit-elle, assiégée par sa vigueur dont l’oscillation la maintenait aux confins du plaisir.
— C’est le sexe qui te plaît, ce vouvoiement, ce jeu… Pas moi. À ce stade, j’aurais aimé que mon prénom t’échappe ou que tes lèvres réclament les miennes. Que tu suives toutes les pistes, pas seulement celle qui mène à ton cul.
Démasquée, Laure s’empourpra, incapable de nier la réalité. Il ricana.
— Ça arrive. Les sentiments ne se commandent pas. On se sera bien amusé.
— Je pensais justement que tu n’en voulais qu’à mon cul.
Elle se sentait stupide et égoïste à n’avoir vu que ce qui l’arrangeait.
— J’ai honte maintenant.
— Je te concède que supposer de mes intentions pour te voiler la face n’est pas glorieux. Mais n’aie pas honte d’aimer le sexe sans attache.
— Ou ligotée, plaisanta-t-elle pour chasser l’émotion qui la gagnait.
Bien que dépourvue de passion, cette rupture restait une épreuve.
Un rire rauque accompagna sa main lorsqu’elle s’insinua entre ses lèvres que gonflait le stupre. Son sexe avala quatre de ses doigts avec une joie des plus sonores. L’euphorie balaya sa peine, ne compta plus que l’abandon.
De sa paume, il lui malaxa le clitoris tandis que ses reins lui infligeait d’ultimes aller-retour. Le barrage déjà fendillé se brisa, culminer déversa son feu sur son corps convulsé.
Soumise à de multiples répliques, elle miaula longtemps.
— Très douée…
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